« Personne ne peut m'avoir, car dans l'instinct de survie, on y trouve une détermination enflammée. » || ft. Yuki alias Fleur d'Érable.

You can't have me.

ft. Yuki

Le temps fait rage autour de nous, me plongeant dans une obscurité sans fin. Il ne laisse point de répit, n'apaise aucun sens, bien au contraire, rugissant à mes oreilles ses idéologies féroces. Je la regarde, la fixe, ne lui accordant point de confiance. Comment le pourrais-je ? Je le vois dans ses yeux, elle fait partie de ceux qui passent leur existence à me traquer, pour obtenir mon cœur sur un pieu de bois. Pourtant, ce qui l’entoure dégage une douceur qui n’a point de fin, s’insinuant douloureusement dans mon être pour me plaquer au sol, me délaissant de toute résistance. Je me braque, je me tends. Mes muscles sont comme prêts au combat, mon regard se ferme pour devenir glace noire. Qu’est-ce qu’elle attend pour, telle une vipère, frapper et empoisonner mon corps de son venin perfide ? Plus elle laisse le temps me filer entre les pattes, plus j’ai la sensation qu’elle prépare un plan diaboliquement machiavélique. Et je m’en sens tendu à l’extrême, avec ce ressentiment que le contrôle des événements m’échappent totalement. Je ne me demande même plus son identité, ça m’est égal, tout ce qui me tourmente, c’est la raison pour laquelle elle demeure figée ici. Enfin, figée, elle ne l’est pas réellement puisque de son charme gracieux, elle se déplace, en s’approchant doucement à nouveau de moi.

Et puis, de sa voix qui résonne, qui détonne dans le semi-silence, elle fournit une réponse à ma question. Celle que j’étais déjà parvenu à oublier. Mais ce que je lui avais demandé retentit avec la force d’un cri de guerre dans mon esprit pour me faire trembler. Ainsi, nous étions sur les terres du Clan de la Rivière, sur… comment disait-elle encore ? Ah, oui ! Les terres battues. Le Clan de la Rivière. J’avais beau tenter avec fureur de percer le brouillard qui compose ma mémoire, je parviens pas à toucher le moindre bris qui comporte des informations à ce propos. Un Clan ? Était-ce comme … comme… la comparaison se fige dans mon esprit. Je ne trouve pas d’équivalent et pourtant, je sens la fin de la phrase qui se torture pour se former dans le fin fond de mon cœur, sans parvenir à déterminer le chemin de la sortie et l’emprunter. Quoi qu’il en soit, je ne connais rien de l’endroit d’où la féline vient, pas plus que je ne connais les coutumes qui y règnent. Et à mon esprit se faufile le reste de sa phrase. Elle désire m’aider, selon ses dires, mais rien ne me prouve que je ne peux lui faire confiance, tout au contraire, tout me pousse à m’éloigner et ne pas l’écouter. Je devrais fermer mes oreilles, ouvrir mes yeux, soudre ma bouche pour que rien n’en sorte. Ne lui dis rien. Rien qu’il ne te mette en danger. Je ne dirais rien. Rien sur moi. Rien de plus que ce qu’elle doit savoir. C’est ainsi que j’en ai décidé.

Elle prend soin de son pelage, le nettoie, lui donne des coups de langue. Son pelage ressemble à celui d’un autre… que j’ai déjà vu, quelque part, mais je ne parviens pas à savoir où, ni même quand. Je ne fais rien d’autre que de la contempler, si on peut dire cela, jusqu’à ce qu’elle bondisse. J’y reconnais une pie dans sa gueule lorsque ses pas la ramènent à moi. De sa voix, elle me propose une bouchée. Ou deux. Une pie. Elle me propose de la nourriture, mais dans quel but ? Je doute que ce soit dans les coutumes de ce Clan d’offrir de la nourriture à un solitaire étranger et vagabond. Alors, quelle est la motivation qui la pousse à exécuter une telle action si ce n’est pour m’amadouer et me faire tomber ? Je fais un pas en arrière et elle saute sur une autre proie. Je pose mes yeux un peu partout. C’est un piège, mais je sens mes défenses faiblir, malgré les ombres qui tournoient autour de moi, serrant mes pattes, tournant tout autour de mon corps. La faim s’invite dans mon estomac, incendiant ma résistance, partie en fumée. Je m’incline devant la féline, non pas dans un geste de respect, mais seulement pour atteindre la pie et en prendre quelques bouchées. Mes pattes me portent en arrière aussitôt les bouchées avalées.  

- Je ne connais pas les Clans. Seriez-vous suffisamment aimable pour m'en parler ?
La curiosité vient porter les mots, et je ne suis pas contre des informations supplémentaires. Admettre ne pas connaître les Clans, ce n’est pas une faiblesse, seulement démontrer une capacité à apprendre, parce qu’en ne sachant pas apprendre, on ne demande pas. Ainsi, si je questionne, c’est que je suis apte à enregistrer ce qui m’est dit et c’est un atout indiscutable. Je me redresse. Il n’y a pas de fierté dans mon geste. Qu’une méfiance à peine masquée. Je veux la réponse, les réponses peu importe le nombre. Je les désire ardemment. Parce que ça me permettrait de mieux connaître mes ennemis et donc, de mieux échapper à la surveillance à laquelle je suis injustement soumis.

© Adrenalean pour Epicode

You can't have me.

ft. Yuki

┼ I have nowhere to hide. I can’t escape from this things eating me alive. ┼
Les eaux noires d'un océan profond m'engloutissent.
Et.
Autour de moi, le temps se calme, s’apaise, mais le vent s’élève dans mon cœur et mon âme, fouettant mon pelage. Le sien ne bouge pas. Je ne suis que la seule victime des éléments en fureur, à croire que je les imagine, mais mon esprit n’imagine pas, non. J’attends. Je ne sais faire que ça, avec la fuite éternelle, de laquelle je ne vois point de fin, de point. Mon ventre ne crie plus famine, apaise l’épuisement sans l’effacer, le faire voler en fumée, c’est logique. Depuis combien de temps je cours sans m’arrêter, sans prendre le temps de véritablement chasser quelque chose qui a plus que la peau sur les os ? C’est difficile, dans les terres que mes pattes foulent, avec ce qui ne me lâche pas du regard, mais sous aucun prétexte je n’irais en ville, là où les proies dodues sont peu craintives et donc plus évidentes à attraper. Nul chat ne devra espérer me revoir dans ce lieu que j’ai auparavant sillonné, dans les détours que j’ai auparavant fait et dans les rues où j’ai avant erré. Ce lieu était banni, un enfer, un paradis maudis. Oui, je connais de telles notions, elles sont apparentées aux Bipèdes, mais je comprends les Bipèdes, parfois et certains chats domestiques apprennent à décortiquer les mots de ceux-ci, et je parle parfois avec eux. C’est pour ça que je le sais, maintenant, le Paradis, c’est un endroit qui est décrit comme le bien lui-même, une lumière intense et diffuse à la fois, où le bonheur et l’amour y règnent, et l’enfer c’est son contraire, un incendie qui brûle tes entrailles et te vide.

Autour de moi, la curiosité fond comme la neige en plein soleil et la nuit remplace le jour pour y faire régner une brûlante fraîcheur, une ombre opaque ne s’éteignant pas, ne s’éteignant jamais. La femelle, je ne connais toujours pas son nom. Et j’en ai rien à faire. Elle n’est rien d’autre qu’une menace à la survie de mon propre être. Parce que j’existe. Je suis un fantôme qui dans une détermination illusoire persiste à rester sur des terres qui ne veulent plus de lui. Pas grave, je me bats. Et je me battrais toujours, sans faire couler le sang, quelque chose m’en empêche. Lyan, Lyan, elle cherche ses mots. Lyan, elle te ment. Encore une fois ! Je ne suis pas Lyan. Je suis le solitaire Lyriel. Sonorités qui se ressemblent, mais les deux noms sont totalement différents, une oxymore, on pourrait dire, vous comprenez ? Deux mots qui détonnent côte à côte, des sens totalement opposés qui ne vont pas ensembles, comme lorsqu’on parle d’une douleur joyeuse. Lyan, fais attention. Je ne suis pas Lyan, alors pourquoi la voix s’obstine à me nommer ainsi ? Je ne peux pas être Lyan. Je suis Lyriel. Vulgaire être qui n’a pas de valeur. Lyan, il se bat. Lyan, il se fout des autres, il fait couler le sang, Lyan vit. Moi, je ne vis pas, j’existe et encore et le sang m’horripile, je ne le supporte pas, ça me donne une envie terrible de tomber et me tailler en pièces. Alors cesse de me nommer ainsi ! Car je ne ressemble en rien à ce nom que tu m’attribues.

Je lève la tête vers le ciel puis la féline me ramène sur terre. Sa voix vient s’accrocher à moi pour me tirer le plus fort possible, essayant de m’ancrer quelque part dans la logique sans comprendre que c’est inutile. Quatre Clans. Ça me semble évident que leurs capacités se trouvent à être différentes. Autrement, ne seraient-ils pas qu’un seul et unique Clan ? Elle parle d’ennemis. Les autres Clans. Les renards. Les blaireaux. Les Bipèdes. Comment les Bipèdes pouvaient les menacer ? Je ne comprends pas. Je ne les ai jamais perçu comme des êtres qui pouvaient m’attraper, me traquer. Ils sont poussières dans la vague des poursuivants qui cherchent à me retirer de la vie, cette vie que je pourchasse avec une ardeur terne. Alors, je ne parviens pas à déterminer, poser la patte, sur la raison qui pousse les Clans à craindre les Deux-Pattes, les Êtres Grands, peu importe l'appellation qu’on peut leur donner. Certains chats domestiques les appellent humains. Les paroles de l’étrangère demeurent dans ma tête, comme un essaim d’abeilles insistant. Puis, elle décide comme ça, sans prévenir, de s’avancer et ma salive se bloque brusquement et brutalement dans ma gorge, me faisant mal, avant que je parvienne à avaler, éraflant ma gorge au passage et provoquant presque une quinte de toux sèche.

┼ That little kiss you stole, it’s held my heart and soul. Like a ghost in silence, I disappear. ┼

Qui est-elle pour me poser une telle question ? Elle venait de faire voler en éclat le semblant d’apaisement qui s’était installé en moi tandis que je pensais à sa réponse. Pourtant, malgré le tourment qui venait se déverser dans mon âme, un étrange ressentiment me permettait de comprendre. Elle n’est pas un danger, elle n’est pas comme eux. Elle ne me pourchasse pas, sans quoi elle ne me demanderait pas qui je suis. C’est certain. Et même cette voix n’a rien à redire. Cette femelle n’a rien à envier à ceux qui me traquent. Je ne lui fais pas confiance, il ne faut rien exagérer, mais je ne la considère à présent plus comme eux, et la méfiance s’étrangle en moi pour ne devenir qu’un faible gargouilli inaudible. Par la même occasion, la peur, elle, s’éteint doucement, telle la lueur d’une flamme qui est arrosée goutte à goutte d’une substance liquide. Elle s’éteint, mais sans se presser moindrement, lentement. Le feu de ma méfiance est aussi faible, à présent, que celui de mes émotions. C’est évident : je ne ressens rien. Un vide persistant, permanent qui n’est comblé que de peur et de vide. Personne ne me fera revivre. Je suis condamné, bloqué à jamais dans une absence psychologique caractéristique. Néanmoins, je sais maintenant que le vide prend le dessus et je ne tremble plus. C’est sans aucun doute mieux ainsi, du moins, je le préfère. Prêter une attention aux alentours semble plus aisé, moins épuisant. Tenir debout, même après autant de jours de marche, semble possible à présent, sans pour autant que ma fatigue ne prenne le dessus et m’amène à m’échouer sur le sol.

Mais… qui je suis ? Une question d’apparence simple, mais en réalité complexe et profonde. D’une profondeur de l’océan, d’une abysse, d’un puit sans fin. On pourrait y répondre tellement, mais on pourrait aussi ne dire que l’évidence même, parler de son statut. Mais le statut ne fait pas la personne. Je l’observe. Mon regard se plante dans le sien. Je suis drôlement calme, maintenant. Je ne pense qu’elle pourra comprendre ce qui a changé, le déclic, ou peu importe comment vous nommez ça. Ce serait surprenant qu’elle sache. Ma gestuelle, mon corps, mon odeur, tout ça, ça ne transmet rien de ce que je ressens sauf lorsque j’ai peur et que je me méfie. Ce sont les seules émotions qui transparaissent dans mes yeux vides, parce que justement, il n’y a que ça qui tourne en moi et m’étreint, avec la colère qui détonne parfois, déclenchant l’incendie meurtrière. Elle s’est reculée, entre temps, je ne viens que de le remarquer. Alors je recule moi aussi, juste par principe, sans réellement réfléchir. Je ne la lâche pas du regard. Je ne peux tout simplement pas détourner les deux billes qui me révèlent le monde, je bloque en essayant.

- « Qui je suis ? Je ne suis rien ni personne. Le fantôme de la vie, une ombre sans identité, solitaire.  Mon nom ? Est-ce mon identité ? Je n’en ai pas...Alors, qui je suis, dis-moi ? Et toi, qui es-tu ?»

© Adrenalean pour Epicode