Baptême des nouveaux apprentis et guerriers ! [LIBRE AU CLAN]

Le vent agitait les branches désincarnées des arbres ; elles claquaient sinistrement, leurs ramures se recroquevillant comme des doigts rendus gourds par le froid. Chaque respiration envoyait des nappes vaporeuses dans l’atmosphère, comme un feu éteint qui cherchât à se raviver – de fait, la foule dense, les pelages rapprochés conféraient une bulle chaude et réconfortante, cependant qu’on parlait gaiement. En rien l’hiver ne semblait avoir atteint le moral des félins. Nébuleuse Symphonie choisit de se porter dans une des extrémités des files du Clan ainsi réuni près du promontoire – elle voulait pouvoir être libre de se gratter l’oreille, réagir sans qu’on ne l’en privât d’un regard, tousser sans qu’on ne prît cela pour une offense. De surcroît, elle ne supportait pas d’être si près de quelqu’un sans même le connaître ; c’était une atteinte à son intimité. Ainsi se retrouva-t-elle un peu à l’écart, mais non pas moins heureuse, car Étoile de Neige allait prononcer des paroles importantes, et peut-être serait-elle enfin à même d’avoir un apprenti à charge, ce dont elle rêvait depuis sa nomination en tant que guerrière. Pourquoi n’en aurait-elle pas, de toute manière ? Elle s’empêcha de trépigner sur place comme une novice. Plus loin, les vétérans semblaient observer l’enthousiasme général avec amusement. La guerrière fronça le nez ; l’un d’eux serait sûrement lieutenant et ne pourrait s’empêcher de réprimander la jeune génération pour tout et n’importe quoi. C’était cela, la sagesse ? Avoir le sens de la mesure aiguisé au point de ne plus pouvoir prendre part à la vie active du Clan, à palabrer indéfiniment sur des sujets à en mourir d’ennui ?

Petit Hibou fut appelée en premier ; Plume d’Hirondelle suivit. Leurs pelages avaient reçu un soin tout particulier ; Nébuleuse Symphonie se souvenait encore de la sévérité de sa mère quant à sa propre apparence. La nouvelle apprentie-guérisseuse fut baptisée dans les bonnes traditions. La joie qui irradiait d’elle frappa la guerrière, qui ne put réprimer un sourire franc et sincère, accompagné d’un réchauffement infime dans son cœur ; le bonheur des autres faisait également son bonheur, et cette sensibilité avait toujours intrigué son père. Quant à ses amis, ils ne s’en souciaient pas, ou prétendaient qu’elle exagérait. Un frisson la parcourut toute entière tant elle voulait savourer le même moment, aux côtés d’une ou d’un apprenti : sentir tous ces regards sur elle, et probablement celui de Perle de Nacre du haut de son perchoir étoilé, ressentir dans sa chair et sceller dans son âme la reconnaissance de sa loyauté envers les siens, soutenir la solennité de sa supérieure ; exister.
Mais pour le moment, il lui faudrait attendre, surtout que les louanges retardaient les autres apprentis nominés – s’il y en avait.
Oh, il y en aurait. Et il y en aurait un pour elle.